Or curieusement, alors que l’on pourrait s’attendre, ici, à un exercice d’ « histoire originale » au sens de Hegel (celle racontée par les hommes « qui ont surtout décrit les actions, les évènements et les situations qu’ils ont vécus, qui ont été personnellement attentifs à leur esprit ») et que l’auteur est un habitué de l’excellente revue de géopolitique Le Grand Continent 1, il ne nous apprend rien sur le fait qu’ « au cours des trois dernières décennies, les responsables politiques des démocraties occidentales se sont comportés, face aux conquistadors de la tech, exactement comme les Aztèques du XVIe siècle » face aux troupes de Cortès. Dans un environnement chaotique où le respect des règles et l’excellence intellectuelle propres à l’ancien establishment – « le consensus de Davos » – ne sont plus opérants, nous assistons donc à la résurgence d’une vieille histoire emplie de bruit et de fureur, de férocité et de ruse : celle, selon lui, des « borgiens » – d’après César Borgia, futur « modèle » de Machiavel. Cela nous vaut des portraits acérés tantôt vachards (de Sam Altman, patron d’OpenAI, et de Yann Le Cun de Meta), tantôt affectueux (Francesco Cossiga, Henry Kissinger) mais au prisme d’une grille de lecture de l’histoire faite par les « grands » hommes (en l’occurrence les magnats de la tech et leurs affidés sans que jamais ne soient évoqués les marchés ou les forces sociales) alors même que l’auteur est à juste titre convaincu que nous n’assistons pas à des événements conjoncturels mais à un véritable changement d’époque : l’entrée dans une « ère de violence sans limites » où seul compte le rapport de force et d’autant plus dangereuse que la guerre offensive (cyber mais pas que) coûte aujourd’hui moins cher que la défensive et offre une prime à l’agresseur.
Author: Cécile Guilbert
Published at: 2025-04-20 10:17:23
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