Pendant trois quarts de siècle, le statu quo a reposé sur un triple postulat : que l'Amérique était résolue à défendre Taïwan quoi qu'il arrive, que l'armée chinoise n'était pas en mesure de mener une guerre victorieuse contre les États-Unis, et que la direction communiste était, de toute façon, trop préoccupée par la modernisation du pays pour s'embarquer dans une aventure militaire qui serait désastreuse. Son rôle crucial dans l'économie mondiale suffit, par ailleurs, à faire douter de la volonté de la communauté internationale de sanctionner, le cas échéant, une annexion de l'île par la force – éventualité que la direction communiste n'a jamais écartée et a même légitimé dans une loi de 2005 condamnant le "séparatisme" taïwanais. Cependant, la démocratisation poursuivie avec succès depuis le milieu des années 1980 a fortement impacté l'identité taïwanaise : en se greffant sur l'anticommunisme de jadis, elle a aussi bien favorisé la "taïwanisation" de la vie publique (aux dépens de la sinisation que Chiang Kai-shek avait imposée sous sa dictature) qu'ancré des valeurs aux antipodes de celles défendues par un pouvoir chinois redevenu plus autoritaire que jamais.
Author: Philippe Paquet
Published at: 2025-04-14 12:39:26
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