Discours de Chirac au Vel d’Hiv : pourquoi la France a attendu 1995 pour reconnaître la responsabilité de l’État

Discours de Chirac au Vel d’Hiv : pourquoi la France a attendu 1995 pour reconnaître la responsabilité de l’État


Le 16 juillet 1995, Jacques Chirac reconnaît officiellement un fait historique établi et de mieux en mieux documenté depuis alors près de trente ans grâce à la publication de plusieurs travaux : La Grande rafle du Vel d’Hiv de Paul Tillard et Claude Lévy en 1967, La France de Vichy de Robert Paxton en 1973, Vichy et les Juifs de Michael Marrus et Robert Paxton en 1981, Vichy-Auschwitz de Serge Klarsfeld en 1985. La transgression vient de Jean-Marie Le Pen, président du Front national, qui par ses déclarations présentant la Shoah comme un « point de détail de l’histoire de la deuxième guerre mondiale » en 1987 ou ses jeux de mot (« Durafour crématoire ») est à contresens de nouvelles normes morales en train de s’établir autour d’une mémoire du génocide qui n’était pas absente de la société française mais à la marge d’un récit officiel dominé par l’héroïsme des résistants ou leur martyr avec la déportation. Alors qu’une pétition recueillant des milliers de signatures est lancée en juin 1992 dans la presse pour demander une prise de parole du chef de l’État afin qu’il reconnaisse officiellement la responsabilité criminelle de l’État français dans la déportation des Juifs pour le 50e anniversaire de la rafle, le silence de Mitterrand à cette cérémonie commémorative du Vel d’Hiv le 16 juillet 1992, qui provoque des sifflets de la foule, apparaît lui aussi transgressif au regard de ces nouvelles normes.

Author: Sébastien Ledoux, Maître de conférences, historien, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)


Published at: 2025-07-14 16:39:31

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