Les années ont passé depuis la mort de Gramsci, penseur extraordinaire célébré par Pier Paolo Pasolini dans des poésies, et la mort d’Enrico Berlinguer, en 1984, qui fut le secrétaire du Parti communiste italien (le deuxième parti d’Italie, avec un tiers des voix) pendant 12 années, et qui malgré tous ses efforts, ne réussit jamais à réaliser ce qu’on appelle en Italie le “compromis historique”, soit une union entre l’aile “gauche” de la Démocratie chrétienne, représentée par l’une de ses principales figures, Aldo Moro, qui aurait permis au PCI pour la première et unique fois de l’histoire de l’Italie, d’accéder en partie au pouvoir, à des postes de ministres dans un gouvernement bicéphale. Aldo Moro, comme Pier Pasolini Pasolini, comme toutes les victimes dans les romans d’Agatha Christie, n’était peut-être pas haï par tout le monde, mais sa mort ne dérangeait pas grand monde, au fond : la Démocratie chrétienne pure et dure (Giulio Andreotti, président du conseil, catholique et anticommuniste forcené, que ce mauvais cinéaste de Paolo Sorrentino caricatura bêtement dans Il Divo, en 2008), les États-Unis et ses services secrets, qui avaient déjà tué dans l’œuf toutes les tentatives de démocratisation de gauche (donc progressistes) dans les pays d’Amérique du Sud (Allende au Chili, par exemple), et l’Union soviétique (dont Berlinguer avait critiqué l’autocratisme, ses atteintes à toutes les libertés et qui y avait laisser sa peau, victime d’un attentat déguisé en accident de voiture lors d’un voyage en Bulgarie). Le film n’a donc pas de grande ambition formelle, mais il a au moins le mérite de décrire avec clarté, à l’aide de beaucoup d’images d’archives, ce que fut une époque pas si éloignée de la nôtre où le peuple d’une démocratie européenne rêvait d’un pouvoir de gauche sans jamais souhaiter retromber dans une forme de dictature (ils savaient ce que c’était…).
Author: Jean-Baptiste Morain
Published at: 2025-10-07 12:48:41
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